L'INSTANCE
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Revue critique de droit algérien
Notre méthode :
partir de la réalité sociale et du défi que
celle-ci lance aux concepts et non pas développer des exercices
conceptuels qui ne rendent compte ni de l'état de la société,
ni du droit que l'on dit lui appliquer.
N°
1
-DROIT ET VIOLENCE, DIX ANNEES DE VIOLENCE PAR
LE DROIT-
Argumentaire
En marge du droit, la violence n’a pas
épargné l’Algérie depuis le début de ce qui a été officiellement baptisé
processus démocratique, en 1989. Deux types d’agressions urbaines
et rurales se sont alors multipliées en frappant les esprits :
les unes concernent les femmes, les autres ont eu pour cibles les tombes
dans les carrés des martyrs. (combattants morts pendant la guerre de
libération nationale). Ce type de violence a tétanisé les populations
par sa nature, sa permanence mais aussi par l’absence/l’abstention des
forces de l’ordre. Tout laisse penser que nous sommes dans le prélude
du déchaînement qui suivra et durant lequel les massacres de populations
ont lieu alors que les services de sécurité ou l’armée, avertis, ont
refusé toute assistance.
Les dix années 1992-2002 que nous retenons
dans cette tentative de restituer la part du droit dans la violence
ne signifient pas que celle-ci a cessé. Loin de là. Nous avons pris
le parti uniquement de faire l’inventaire sans préjudice des événements
ultérieurs. Cela tient aussi à ce que la réflexion sur ces dix années
a commencé à faire l’objet du présent travail qui, d’ailleurs était
annoncé en 2001 sous forme d’édition papier. Si celle-ci n’a pu voir
le jour cela tient simplement à la difficulté pour ne pas dire l’impossibilité
de trouver la maison d’édition qui prendrait en charge un tel pari.
Dans ce domaine, ce sera à la revue de compter les lecteurs qui, peut-être,
voudront lui donner, un jour, la forme papier.
Les dix années de violence qui ont déchiré
l’Algérie et recomposé les régions, communes et quartiers, ont, paradoxalement
été riches en production juridique de toute nature. Le J.O. offre l’image
de la régularité et rend compte de l’activité des grands ministères.
Il couvre les traitements constitutionnels, législatifs et réglementaires
que les nécessités politiques/répressives ont dictés. Dans les déchirements
quotidiens, l’Etat, à travers sa production normative nous restitue
le cadre du fonctionnement normal du service : des grands corps de
l’Etat, de la gestion de son économie, en passant par la justice. C’est
ce que l’écivain R. Boudjedra soutiendra, de manière triviale lors d’une
émission radiophonique sur France Inter (édition de 13 heures), au lendemain
du massacre de Bentalha et des manifestations contre le terrorisme qui
ont eu lieu à Paris (les avions volent et atterissent, les trains roulent,
les enseignants enseignent, les entreprises tournent et le tout est
résumé dans la grande résistance des algériens).
Dans le monde du droit, pendant dix ans,
les deux revues juridiques (revue algérienne des sciences juridiques
politiques et économiques et IDARA) ont continué de paraître et de traiter
de questions aussi variés que la commune, la constitution, la fonction
publique sans que le moindre questionnement n’ait affecté le déroulement
routinier des approches à l’allure plus ou moins académique et qui,
de ce fait même, ajoutent à l’épaisseur de la violence dans laquelle
s’enferment la société et l’Etat. La norme juridique ignore la puissance
des injections périodiques de la violence codifiée. Elle embrigade le
dispositif terminologique destiné à lui faire bonne figure. Les textes
qui témoignent de la violence physique, matérielle ne suscitent pas
de curiosité directe. Ils ne suscitent pas davantage de questionnement
indirect. Tout coule dans la légalité d’une quiétude insoupçonnée. Leur
insertion dans l’ordre juridique semble aller de soi. A l’image d’une
autre Algérie à la vitalité et au bonheur débordants décrite au lendemain
des élections présidentielles de 1995 et 1999, l’idée de droit sombre
dans l’imposture. Nous entendons la restituer dans toutes ses dimensions
en inventoriant, par l’analyse, les textes et pratiques qui servent
la légitimation d’une violence que les juristes, seuls, ne sont pas
capables de mesurer. Il faut nécessairement le secours d’autres sciences
sociales. L’anthropologie, l’histoire et la sociologie fourniront les
ressorts propres à restituer du sens aux dispositions dont la sécheresse
nous installerait dans l’indolence du positivisme. Mais en nous attelant
à cette tâche difficile, nous prenons notre parti : inscrire l’idée
de droit dans l’idéal de justice. En saisissant le droit tel que les
acteurs de l’Etat ont entendu s’en servir et l’asservir, nous nous inscrivons
dans la perspective d’autonomisation, toute relative, du droit. Il suffit
simplement de se rappeler qu’il n’y a point d’autonomie, fut-elle relative,
du droit, sans autonomie de pensée.
APPEL A CONTRIBUTION
Ce premier numéro comporte trois parties :
La première a pour objet les questions
de théorie et pratiques constitutionnelles. Ici prennent
place les textes mais aussi l’interprétation qui en a été faite. Les
textes fondamentaux annoncent des objectifs qui étalent leurs effets
jusqu’aux élections de 1999 et au-delà.
Les objectifs poursuivis depuis 1992 impriment
leurs sanctions aussi bien à la théorie qu’aux pratiques constitutionnelles.
On le remarquera dans les sujets suivants que nous proposons aux contributions :
1992 : Ordre constitutionnel ou
régime constitutionnel ?
Un coup d’Etat constitutionnel ?
Une démission présidentielle en direct
ou une forfaiture ?
Dissolution ou complicité de l’assemblée
populaire nationale et de son président ?
Les « aménagements » ou
les lendemains de 1992: La conférence nationale de la transition.
La plate-forme portant consensus national
sur la période transitoire.
La plate-forme de l’entente nationale.
Le Conseil constitutionnel.
Le Haut Conseil de Sécurité.
Les questions liées à la représentation :
de l’élection présidentielle aux élections parlementaires.
La mise en perspective de la représentation
et la notion de citoyenneté. Les éléments de construction qui interdisent
l’accès aussi bien à l’une qu’à l’autre.Quelles retombées ?
La deuxième partie sera consacrée à la
justice sur le thème la justice en procès.
Les cours spéciales ;
Les autres réformes des codes pénal
et de procédure pénale.
Des magistrats et de la magistrature :
une question de statut ?
Les grands procès :
L’attentat
de l’aéroport.
Assassinat de Boudiaf : de la
commission d’enquête au procès Boumaarafi.
Assassinats et procès des auteurs présumés :
De T. Djaout à M’Hamed Boukhobza et Kasdi Merbah.
La troisième partie met en lumière la
militarisation de la société. A partir de 1993, on peut
suivre l’encadrement réglementaire des milices (police communale, GLD
ou groupes de légitime défense, patriotes) ainsi que la circulation
des armes. Il s’agit de rechercher le régime des milices comme celui
de la détention des armes. Une telle étude est inséparable de celle
des structures locales : wilaya et communes. Comment ont été administrées
les collectivités locales sous le poids d’organes comme les délégués
à l’exécutif communal ? Y a-t-il un lien entre formes d’administration
locale, militarisation des localités et massacres de populations ?
L’observation à l’échelle de la vie locale permet, en outre, de mieux
évaluer la pénétration de la violence dans le tissu social.
Tel est le canevas dans lequel peuvent
être insérés d’autres sujets selon la sensibilité de celles ou ceux
qui veulent bien nous accompagner dans le lancement de la R.C.D.A.
Enfin, compte tenu de l’universalité de
la violence par le droit, toute contribution de quelque
partie du monde est la bienvenue et trouve naturellement sa place dans
le présent numéro.
L’Instance,
le 18/9/005.
N.B. La date de mise en ligne de l’ensemble
du numéro 1 est prévue pour SEPTEMBRE
2006. Mais les articles sont rendus publics au fur et à mesure de leur
réception.
linstance[chez]elhadi-chalabi.com
(remplacez [chez] par @)
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